vendredi 10 avril 2009

Im A Bird Now (Grand Rex - 9 avril 2009)

Mon sempiternel « il était une fois … » ne s’applique que trop bien à ce qu’Antony est : un poète et narrateur moderne. Il était une fois donc un homme en passe de devenir une femme, une voix hors du commun, plus d’émotions et de couleurs que beaucoup beaucoup beaucoup d’autres. Il était une fois, un groupe parfaitement en osmose sur une scène mythique où Björk et Sigur Ros ont évolué. Mesdames, mesdemoiselles et messieurs, le grand Antony et ses Johnsons sans fioritures et blagues d’apparats au Grand Rex. 

Il est près de 19 heures quand je quitte le bureau après une journée stressante et surtout bien remplie. Je me dirige vers la salle non sans engouement, des mois voir des années que j’attends cela. Mon cher époux m’attend loyalement devant l’entrée, le temps de se sustenter, on retrouve sa mère et sa sœur pour entrer dans l’arène. Tout autour de nous n’est que bobo, intelligencia parisienne de sortie. Nous nous asseyons au 4ème rang devant la scène, extrêmement bien placés bien qu’Antony ne mérite pas le coup d’œil si vous voyez ce que je veux dire (il n’est pas très beau, ni très communiquant). Bref, quelques instants plus tard tout Givenchy se place derrière nous et le rang d’après ça n’est nul autre qu’une des sœurs de CocoRosie qui se place. Très spécial d’être au milieu de gens « connus », surtout de se dire qu’on va voir la même chose qu’eux… 

Les lumières s’éteignent et une espèce de folle furieuse momifiée fait des chorégraphies burlesques. Antony et ses frasques, il choisit ses premières parties. Elle me rappelle la première partie de CocoRosie dans cette même salle : inutile, stupide, surfait. Je me penche vers ma moitié pour lui demander si je suis la seule à trouver le temps long. La folle enlève ses lambeaux, se balance de la peinture sur le corps et fait l’oiseau… Et le finale se fait dans un éclat de rire général entre mon complice et moi tant on frise le ridicule. Il faut vous imaginer des mouvements répétitifs, pas intéressants, un costume absurde, une musique agaçante. On ne comprend rien à l’art moderne je crois ! Tout cela n’a heureusement duré qu’une demi heure… 

A 21h pas le temps de dire ouf que le groupe se met en place très vite suivit d’Antony. La première chanson se fait dans le noir pour lui, dans la pénombre pour le groupe. Le ton est donné : seule la musique compte. Pas de scénographie à part cette grande tenture en fond ornée d’un « dessin » réalisé par Antony lui même. Mes poils s’hérissent dès les premiers accords sur les violons. Je suis déjà incapable de me souvenir du titre. En fait il me semble que c’est Where Is My Power. Il figure sur le premier EP extrait du dernier album (The Crying Light). La suite se fait sur un merci, deux trois accords de piano submergés par une énorme salve d’applaudissements… Premier morceau de l’album : Her Eyes Are Underneath The Ground. Complètement envoutant : Antony a la voix qu’on entend sur les CD. C’est un instrument à lui seul. Puis arrive le très attendu Epilepsy Is Dancing (premier single du dernier opus). Sa voix monte à chaque note, je suis complètement dedans, les bras façon chaire de poule… Il est a noter tout de même que le son n’est pas si déplorable qu’on ne pourrait le penser (le Grand Rex ne se prête pas vraiment à ce genre d’exercice). One Dove (troisième piste du dernier, il joue dans l’ordre) est un peu en dessous, ça n’est pas le plus grand du plus grand. Ce qui est un peu ennuyeux c’est que l’impression, de n’avoir droit qu’aux récentes, prend de plus en plus de place. C’est à se demander si l’on aura du premier album éponyme ? Et contre toute attente c’est les larmes qui montent dès que j’entends les premières notes de For Today I’m A Boy (du meilleur album d’Antony à savoir I Am A Bird Now). Je me retourne vers mon meilleur ami, je le dévisage quelques instants, lui aussi semble heureux. Avoir attendu si longtemps un concert me retourne l’esprit : la totale béatitude ou la déception complète ? Tout est dans le retenu, il hésite, ponctue de quelques merci qui font sourire l’audience captivée. Après cette parenthèse old school c’est un nouveau titre : Kiss My Name. Grande surprise car à l’écoute chez moi il ne m’avait pas paru génialissime. En live, c’est une autre paire de manches, le morceau se déploie et me fait vibrer. S’enchaînent Everglade, Another World, oui suivons Antony dans un monde plus pur, plus beau, nouveau. Shake that devil… La salle s’envole à l’unisson. The Crying Light, c’est l’atterrissage en douleur, en douceur. Antony a perdu son amour il le chante dans I Fell In Love With A Dead Boy. Suspendu avec sa voix, on ne peut que l’écouter déverser des flots de douleur si bien emmitouflée dans une orchestration impeccable (basse, batterie, saxo, flute traversière, violons et contre basse). Maintenant, c’est mon moment, notre moment à mon amour et moi, dès que la batterie commence, dès que le piano chante, on hurle de joie et les larmes coulent le long de mes joues : Fistful Of Love. Cette chanson c’est juste… la plus belle d’Antony. Il y parle pourtant d’un amour masochiste qui transparaît par la métaphore du fistfucking (poing mis dans l’anus). A ma droite un mec ne peut s’empêcher de faire danser ses mains pour marquer le rythme très saccadé. Je hoche la tête avec un regard apaisé en direction de cette homme (orthographe choisie). Sans nul doute le meilleur moment du concert en plus la chanson est longue, on est transportés sans problème sans longueurs ou raccourcis. Il essaie de faire le début de You Are My Sister (au passage, c’est marrant parce que la sœur des CocoRosie présente avait tourné dans le clip). Malheureusement il trouve que son piano sonne mal, ce n’est pas la première fois du concert où il s’y reprend avant de recommencer, mais bon ça ne choque personne. Alors à force il joue Hope Mountain (présente sur l’EP Another World si je ne m’abuse), enfin il met son temps parce qu’il parle pendant 10 bonne minutes de Jésus dont il était amoureux jusqu’à ses 27 ans. Il finit par nous dire que Jésus va revenir incarner en femme parce que les femmes sont les figures absolues de l’amour et de la paix… A méditer ? Je suis un peu transie, je voulais vraiment You Are My Sister. Pas le temps de me prendre la tête : il la joue après. Les larmes, toujours là, elles ne sècheront pas pour Twilight (mention spéciale tellement, elle aussi est transcendante). Il finit sur Aeon du dernier. Se lève, salue. Mon dieu, ça ne peut pas être finit, lui qui ne fait jamais de rappels. Non. 4 minutes après un tonnerre d’applaudissement, une foule en délire debout qui siffle, crie, ils reviennent. C’est alors que les requêtes fusent : du Piaf, du Brel, du … Obispo (?). Il fait des vocalises et nous dédicasse celles-ci « Song for Paris ». La fin c’est l’apothéose : Cripple And The Starfish (du premier album) et Hope There’s Someone. Mes joues sont rouges, mes yeux enflés. Je ne peux plus m’arrêter. Il se lève, salue et sort. La salle se rallume. 

Je sors le sourire aux lèvres. Je crois que j’ai oublié des morceaux. Je sais juste que j’ai vécu un moment hors du temps à rêvasser à mes amitiés nouées et perdues, à mes amours naissants, à la beauté de l’humanité. Cela peut faire too much mais voir Antony c’est comme être au paradis : un dieu vivant avec une voix qui touche nos âmes et qui nous fait vibrer les tripes, nous arrache la gorge et les larmes. C’est sans conteste le plus beau concert au niveau émotion qu’il m’ait été donné de voir. Je vous laisse donc le soins d’écouter cet ange, de le voir en live. On n’aime ou on n’aime pas, une chose est sure il est talentueux et continuera de m’émouvoir pendant des décennies.

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